La situation qui a amené la présente interrogation est le cas, fréquent, de la découverte par l’acquéreur d’une surconsommation énergétique après avoir acquis le bien et/ou d’un inconfort thermique important alors que le diagnostic joint à la vente ne faisait pas état de problématiques sur ces éléments.
L’acquéreur s’interroge alors sur ses possibilités d’action à l’encontre du vendeur et/ou du diagnostiqueur et sur l’indemnisation à laquelle il peut prétendre, le coût de l’isolation, une restitution d’une partie du prix du bien ou simplement l’indemnisation d’une perte de chance.
Une confusion règne sur la responsabilité du diagnostiqueur en matière de diagnostic de performance énergétique en raison d’une disposition législative ambiguë réformée récemment.
Une action contre le vendeur et/ou contre le diagnostiqueur
L’action contre le vendeur
La première question de l’acquéreur d’un bien immobilier qui se sent lésé est de savoir contre qui agir. Naturellement, on se tourne vers le cocontractant, donc contre le vendeur. Il convient alors de qualifier le reproche formulé à l’encontre du vendeur, un défaut d’information pour l’omission de délivrance d’une information importante pour l’acquisition (article 1104 du Code civil), le dol ou le vice caché (articles 1641 à 1646 du Code civil), si on peut démontrer que le vendeur avait connaissance du vice affectant le bien et qu’il l’a tue à l’acquéreur.
Les fondements d’une action contre le vendeur sont pluriels et dépendent de l’analyse des éléments factuels dont disposent les acquéreurs.
Toutefois, il convient de garder à l’esprit qu’une décision n’est utile que si elle peut être exécutée. En ce sens, l’obtention d’un jugement condamnant le vendeur à restituer une partie du prix de vente ou à des dommages et intérêts élevés n’aura pas d’intérêt pour l’acquéreur si le vendeur est insolvable.
C’est dans cette hypothèse que l’on recherche la responsabilité du diagnostiqueur bénéficiant d’une assurance responsabilité civile assurant le recouvrement de la réparation souhaitée par l’acquéreur.
L’action contre le diagnostiqueur
Le diagnostiqueur n’a pas de lien contractuel avec l’acquéreur puisque c’est le vendeur qui a mandaté le professionnel pour l’établissement des diagnostics joints à l’acte de vente.
L’acquéreur devra donc agir contre le diagnostiqueur sur le fondement de la responsabilité délictuelle (article 1240 du Code civil), en invoquant un manquement contractuel commis dans l’exécution de sa mission et lui ayant causé un préjudice. Il s’agit de l’application de la jurisprudence de l’assemblée plénière de la Cour de cassation de 2006. Le tiers est recevable à invoquer un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un préjudice.
Le fondement juridique de l’action est déterminé mais il convient de rechercher si la jurisprudence reconnaît un lien de causalité entre le DPE erroné et le préjudice subi par l’acquéreur et le cas échéant, de s’interroger sur le quantum de la réparation.
Le professionnel du droit accompagnant l’acquéreur devra conseiller son client sur la stratégie à mettre en œuvre en choisissant d’intenter une action uniquement contre le diagnostiqueur ou une action contre le diagnostiqueur et le vendeur en sollicitant une condamnation in solidum.
Cette prise de décision dépend des faits de chaque dossier, des éléments de preuve et de la situation des parties.
L’indemnisation des préjudices
La question de l’amplitude de l’indemnisation est épineuse et sujette à évolution.
La distinction entre les éléments du dossier de diagnostics techniques
Il est important au préalable de préciser que tous les éléments formant le dossier de diagnostic technique (DDT) prévu par l’article L.271-4 du Code de la construction et de l’habitation ne se valent pas et qu’une évolution législative très récente laisse l’interprétation des textes délicates.
Dans la version antérieure à la loi ELAN de 2018, l’article L.271-4 du Code de la construction et de l’habitation opérait une distinction entre certains diagnostics tels que ceux détectant l’amiante ou le plomb et le diagnostic de performance énergétique.
Les dispositions législatives prévoyaient expressément que les diagnostics plomb, amiante, etc, devaient obligatoirement être produits ; à défaut de communication de ces éléments, le vendeur ne pouvait s’exonérer de son obligation relevant de la garantie des vices cachés. Le diagnostic de performance énergétique, quant à lui, n’était pas visé dans la disposition relative aux vices cachés et le dernier alinéa précisait qu’il n’aurait qu’une simple valeur informative.
« L’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique qui n’a qu’une valeur informative. »
La loi ELAN de 2018 a modifié le dernier alinéa de l’article L.271-4 du CCH en indiquant que seules les recommandations accompagnant le DPE ont une valeur informative. Le législateur a simplement maintenu une valeur informative aux préconisations de travaux formulés par le diagnostiqueurs pour améliorer la valeur énergétique du bien.
La nouvelle rédaction de l’article L.271-4 du CCH est la suivante :
« L’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des recommandations accompagnant le diagnostic de performance énergétique ainsi que le document relatif à la situation du bien dans une zone définie par un plan d’exposition au bruit des aérodromes, qui n’ont qu’une valeur indicative. »
Ce nouveau statut octroyé au DPE est entré en vigueur le 1er juillet 2021. La jurisprudence sous ce nouveau texte n’est donc pas encore connue.
L’évolution de la jurisprudence
La règlementation ayant évolué récemment, il est nécessaire d’analyser la jurisprudence rendue sous l’empire de l’ancienne rédaction de l’article L.271-4 du CCH et celle appliquée aux autres diagnostics pour tenter de deviner la position de la Cour de cassation pour les nouveaux DPE.
Pour les diagnostics de performance énergétique réalisés avant le 1er juillet 2021
En matière de DPE, la Cour de cassation maintenait une indemnisation limitée à une perte de chance de négocier le prix de la maison à la baisse. En effet, la Cour de cassation considérait que les informations contenues dans le DPE n’ayant qu’une valeur informative, il n’y avait pas de lien de causalité direct entre le préjudice invoqué par l’acquéreur et la faute du diagnostiqueur. Selon les Hauts Magistrats, les acquéreurs échouaient à démontrer qu’un diagnostic exempt d’erreur et évoquant la nature réelle des consommations énergétiques aurait entrainé un refus d’acheter ce bien immobilier.
Les Magistrats refusaient donc l’indemnisation sollicitée par les acquéreurs correspondant aux travaux d’isolation.
A titre d’exemple, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 21 novembre 2019, n° 18-23.251, a statué dans les termes suivants :
« Mais attendu que, selon le II de l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation, le DPE mentionné au 6o de ce texte n’a, à la différence des autres documents constituant le dossier de diagnostic technique, qu’une valeur informative ; qu’ayant retenu que M. G. avait commis une faute dans l’accomplissement de sa mission à l’origine d’une mauvaise appréciation de la qualité énergétique du bien, la cour d’appel en a déduit à bon droit que le préjudice subi par les acquéreurs du fait de cette information erronée ne consistait pas dans le coût de l’isolation, mais en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente »
A l’encontre du diagnostiqueur, pour les DPE réalisés antérieurement au 1er juillet 2021, l’indemnisation qui peut être sollicitée semble limitée à l’indemnisation d’une perte de chance de négocier le prix du bien.
Toutefois, l’action initiée à l’encontre du diagnostiqueur, comme évoqué précédemment n’est pas exclusive d’une action à l’encontre des vendeurs sous un autre fondement juridique. Ainsi, on peut légitimement s’interroger sur l’indemnisation qui peut être obtenue à l’encontre des vendeurs, s’ils sont solvables, sur le fondement de la garantie des vices cachés par exemple.
En effet, les cours d’appels ont eu à juger d’hypothèses où le vendeur avait nécessairement connaissance de l’absence d’isolation du grenier transformé en chambre, du fait de la réalisation des travaux et du fait des consommations très importantes. Dans ce contexte, la clause d’exclusion de la garantie des vices cachés est inapplicable (Cour d’appel, Chambéry, 2e chambre, 4 octobre 2012 – n° 11/01498) et le vendeur peut être condamné à restitué une partie du prix de vente correspondant par exemple au prix des travaux d’isolation.
Pour les diagnostics réalisés depuis le 1er juillet 2021
En matière d’amiante ou de plomb notamment, la Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence en partant de l’indemnisation d’une simple perte de chance de négocier le prix de la maison à une indemnisation intégrale du préjudice subi s’analysant en une indemnisation du coût du retrait des matériaux contaminés, de la perte de jouissance et de tous les frais engagés pour remettre le bien conforme aux données contenues dans le diagnostic communiqué dans le cadre de la vente.
L’arrêt le plus marquant en matière de diagnostic et de réparation intégrale imputable au diagnostiqueur est la décision de la Chambre mixte de la Cour de cassation du 8 juillet 2015, n°13-26686. Depuis lors, la jurisprudence semble acquise autour de la notion de réparation intégrale du préjudice subi par les acquéreurs.
Au regard de l’évolution des dispositions législatives couplée à l’importance accrue accordée aux problématiques énergétiques, il est fort probable que la jurisprudence précitée rendue en matière de diagnostics de matériaux contaminés soit étendue aux DPE erronés.
Dans l’hypothèse de la découverte d’erreurs dans les diagnostics du dossier technique, je vous invite à prendre attache avec mon cabinet afin de pouvoir initier des démarches auprès du diagnostiqueur, de son assureur et/ou des vendeurs.
Questions clés de l’article
- Qu'est-ce qu'un diagnostic de performance énergétique (DPE) erroné ?
Un diagnostic de performance énergétique erroné se réfère à un rapport qui évalue la performance énergétique d’un bâtiment. Lorsque les informations contenues dans le DPE sont inexactes ou trompeuses, il est considéré comme erroné.
- Quelles sont les conséquences d'un DPE erroné pour l'acquéreur ?
En cas de DPE erroné, l’acquéreur peut subir un préjudice financier et/ou de jouissance. Il peut être induit en erreur quant à la consommation énergétique réelle du bien, ce qui peut entraîner des coûts supplémentaires à sa charge, liés à des travaux de rénovation énergétique.
- Que peut faire un acquéreur en présence d'un diagnostic de performance énergétique erroné ?
En présence d’un diagnostic erroné, l’acquéreur a le droit de demander une indemnisation pour la perte de chance d’avoir renoncé à l’achat du bien ou de l’avoir acquis à des conditions plus avantageuses. Sous l’empire du nouveau diagnostic, postérieur à juillet 2021, l’acquéreur peut demander l’indemnisation de ses préjudices et non plus une simple perte de chance.
- Quelle est la responsabilité du diagnostiqueur en cas de DPE erroné ?
Le diagnostiqueur est responsable de l’établissement du diagnostic de performance énergétique. En cas de faute, il peut être tenu responsable des préjudices subis par l’acquéreur car il a l’obligation de réaliser le diagnostic conformément aux dispositions légales et règlementaires.
- Comment est calculée l'indemnisation pour l'acquéreur en cas de DPE erroné ?
L’indemnisation pour l’acquéreur en cas de DPE erroné est calculée en fonction de l’étendue du préjudice subi. Elle peut couvrir les coûts des travaux de réparation ou de rénovation énergétique ainsi que d’autres préjudices financiers liés à l’acquisition du bien. En matière de DPE, l’indemnisation reconnue par les jurisprudences relevait davantage de la perte de chance d’avoir acquis le bien à des conditions plus avantageuses, moins onéreuses. L’acquéreur n’obtenait donc pas une indemnisation complète de ses préjudices.
Avec l’évolution de la valeur juridique du DPE, logiquement, la jurisprudence devrait évoluer et adopter une indemnisation complète des préjudices par analogie avec les indemnisations octroyées en cas de diagnostic amiante ou plomb erroné.
- Quelle est la valeur juridique d'un DPE ?
Jusqu’à une date récente, le DPE avait une valeur purement informative. Il n’avait pas de valeur contractuelle, ce qui signifie qu’un acheteur ou un locataire ne pouvait pas se prévaloir d’un DPE erroné pour demander réparation en cas de préjudice.
Cependant, la loi Elan du 23 novembre 2018 a modifié le statut du DPE, lui conférant une valeur juridique. Ainsi, depuis le 1er juillet 2021, le DPE est devenu opposable. Cela signifie que les informations qu’il contient engagent la responsabilité de leur auteur, le diagnostiqueur. En cas d’erreur, l’acheteur ou le locataire peut donc demander réparation du préjudice subi.
- Quelle est la position de la Cour de cassation sur l'indemnisation en cas de DPE erroné ?
La Cour de cassation, notamment sa troisième chambre civile, confirme qu’en cas de DPE erroné, l’acquéreur a droit à une indemnisation sur le fondement de la perte de chance. Cette perte de chance correspond à la possibilité pour l’acquéreur de renoncer à acquérir le bien litigieux ou de l’acquérir à des conditions plus avantageuses.
Cette jurisprudence est susceptible d’évolution dans les prochaines années en raison de l’évolution législative. Les temps judiciaires étant longs, la Cour de cassation commencera à se positionner sur les nouveaux DPE dans quelques années.
- Quelles sont les obligations du vendeur en cas de DPE erroné ?
En cas de DPE erroné, le vendeur peut être tenu de réparer le préjudice subi par l’acquéreur en versant une indemnisation financière.