Les aspects juridiques du coliving

par | Sep 1, 2023

 

Le coliving est le nouveau sujet de discussion qui agite la sphère juridique et judiciaire après avoir intéressé les investisseurs immobiliers.  De quoi s’agit-il ?

 

LE CONCEPT DE COLIVING

En langage courant, le coliving est le partage d’un espace d’hébergement ou de logement entre plusieurs résidents, guidé par une volonté de créer du lien social entre les occupants tout en réduisant le coût du logement et en augmentant la qualité de vie principalement dans les grandes villes. Une image d’auberge espagnole est parfois véhiculée par le marketing entourant certains projets de coliving.

Un aspect intergénérationnel et/ou solidaire peut également s’ajouter au projet.

senior coliving - Les aspects juridiques du coliving

Une autre vision du coliving consiste à exploiter un ensemble immobilier sous forme d’hébergements individuels meublés pour une clientèle de touristes.

Un même terme recouvre donc des projets très divers.


Toutefois, les points communs à tous ces projets sont : l’existence d’espaces privatifs dédiés au logement ou à l’hébergement et la présence d’espaces communs bénéficiant de services.


 

Le droit est toujours en retard par rapport aux innovations et surtout bien trop rigide face à des exploitations protéiformes et multiples de biens immobiliers. Il faut donc se tourner vers les décisions judiciaires pour obtenir des appréciations in concreto de cas par analogie à des situations déjà établies et qui se raccrochent plus ou moins facilement à des textes de lois.

Le principal nid de contentieux nous permettant d’obtenir des éclairages est le droit de l’urbanisme avec ses problématiques de respect des Plu. Ainsi, se pose régulièrement la question de l’assimilation du coliving à de la parahôtellerie, pour déterminer si l’ensemble immobilier relève de la destination habitation ou hôtellerie/para-hôtellerie et dans l’hypothèse où il relève du logement, les chambres du coliving sont-elles des logements indépendants.

CONTACTEZ-MOI

LE COLIVING EN DROIT DE L’URBANISME

LE COLIVING ET LA PARAHOTELLERIE

Au-delà de la problématique spécifique liée à cette nouvelle forme d’habitat, les tribunaux administratifs ont eu à connaître depuis longtemps des problématiques liés aux locaux meublés souhaitant bénéficier du régime de la TVA. receptionists parahotellerie - Les aspects juridiques du coliving

Dans ce contexte, les magistrats ont recours au nombre de services proposés dans les logements meublés pour définir s’ils peuvent être qualifiés le cas échéant de parahôtellerie.

Classiquement, la jurisprudence administrative considérait qu’un bien pour être qualifié de parahôtellerie devait proposer 3 services sur les 4 identifiés : petit déjeuner, nettoyage des locaux, fourniture du linge et réception de la clientèle.

Cette définition a été remise en cause par le Conseil d’Etat dans une décision du 5 juillet 2023, les magistrats estimant que cette définition était trop stricte, deux services pourraient ainsi suffire et qu’une appréciation au cas par cas, en attendant une définition légale devait être privilégiée.

 

ENSEMBLE IMMOBILIER DE COLIVING ET LOGEMENTS INDEPENDANTS

Très récemment, la Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 6 juillet 2023, a tranché le litige entre l’appréciation de logement unique composé de plusieurs chambres formant un coliving et des logements indépendants partageant des espaces communs.

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a retenu que chaque chambre constituait un logement à part entière, ce qui engendre la nécessité de créer davantage de places de stationnement notamment.  Pour ce faire, d’une part, elle a mis en exergue les éléments d’équipement permettant de rendre autonome et indépendante chaque chambre et d’autre part, elle a démontré que les espaces communs mis à la disposition des occupants n’étaient pas pourvus de services nécessaires pour le logement.

[…] « Les services de la mairie se sont rendus sur place les 31 juillet et 26 août 2019 et ont notamment constaté que la plupart des chambres étaient équipées de salle d’eau et de toilettes individuelles et que leurs portes disposaient chacune d’une serrure et d’un oeilleton. Par ailleurs, les annonces pour la location de ces chambres sur le site internet  » moncoliving.fr « , indiquent que certaines d’entre elles, outre une salle d’eau et des toilettes individuelles, bénéficient d’un « meuble bar-cuisson avec réfrigérateur et freezer  » ou même d’un lave-linge. Les photographies visibles sur ce site montrent en effet que la plupart des chambres sont équipées d’un micro-ondes ou encore d’une plaque chauffante amovible pour la cuisson. » […]

« S’il ressort également des pièces du dossier que les parties communes des maisons, à savoir la grande cuisine équipée, la pièce de vie, la buanderie au premier étage, la cuisine équipée au deuxième étage et le jardin, sont accessibles à tous les colocataires, et en dépit de ce que chacune des maisons comporte un compteur d’eau et d’électricités communs, les caractéristiques de ces chambres permettent de conclure que leurs locataires bénéficient, s’ils le souhaitent, d’une totale autonomie et ne dépendent pas des services proposés dans les parties communes des bâtiments. » […]


Une critique peut toutefois émerger sur la notion de « services » utilisée par la Cour administrative d’appel dans la mesure où elle qualifie ainsi les espaces communs tels que la cuisine équipée, la buanderie ou encore le jardin.

Une ambigüité est ainsi créée inutilement, à mon sens, avec la notion de services utilisée pour dissocier les hébergements de coliving des hébergements de parahôtellerie.

Les pièces visées par les magistrats sont des éléments d’équipement permettant de déterminer suivant leur situation dans des espaces communs ou privatifs si les logements sont indépendants ou s’il s’agit d’un seul logement constitué de plusieurs chambres, à l’instar d’une colocation par exemple.


ILLUSTRATION DE LA CONFUSION DES NOTIONS

Pour illustrer la confusion qui règne dans le monde du droit autour de la notion de coliving, il me semblait intéressant de porter à votre connaissance une décision du tribunal administratif de Melun du 14 novembre 2022 (n° 2200479).

En l’espèce, il s’agissait d’un projet immobilier important comprenant notamment 2 coliving « senior ». Plusieurs contestations étaient soulevées et le tribunal devait se prononcer sur la qualification d’hébergement para hôtelier et sur la notion d’unité de logement ou de logements indépendants et ce dans la perspective de vérifier l’adéquation entre le nombre de places de stationnement créé et le nombre de places prévues par le Plu au regard du type de construction.

Le tribunal administratif de Melun a traité les deux questions en même temps et a considéré qu’il s’agissait de deux logements composés de plusieurs chambres ne constituant pas elles-mêmes des logements indépendants. Le tribunal a développé trois arguments dont certains appellent des critiques. Ainsi, le tribunal administratif de Melun a retenu :

  • La fréquence d’utilisation des véhicules par les occupants ;
  • Le nombre de services disponibles ;
  • La fréquence des visiteurs

Extrait de la décision sus évoquée :

« Les dispositions précitées ne réglementent pas spécifiquement les logements à chambres multiples ou en situation de cohabitation ou colocation. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet d’établir que les occupants de ces logements utiliseraient souvent leur véhicule, ni qu’ils bénéficieraient de services de nature à caractériser un hébergement hôtelier, ni enfin que les personnes qui leur rendent visitent y viennent quotidiennement. »

Le recours à des critères d’appréciation de la fréquence d’utilisation des véhicules apparaît assez étonnante et peu fiable dans la mesure où elle laisse place à une subjectivité du magistrat très importante. Ces deux critères sont d’autant plus étonnants qu’ils ne sont pas issus de textes règlementaires ni d’un raisonnement par analogie comme nous avons pu le voir avec le critère lié au nombre de services.

CONTACTEZ-MOI

LE COLIVING ET LE DROIT CIVIL

Suivant le projet mis en œuvre sous la conception de coliving, il peut se rattacher à divers textes législatifs.

Le coliving et la loi du 6 juillet 1989

Dès lors que le coliving prévoit un logement pérenne des occupants, en ce sens que lesdits occupants pourront y établir leur résidence principale, le projet sera alors soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, règlementant les rapports locatifs. Le bailleur se verra alors confronter aux problématiques classiques de la location longue durée, notamment les impayés. Je vous invite à lire cet article si vous souhaitez mettre en œuvre une procédure d’expulsion.

Plus particulièrement encore, le coliving est généralement assimilé à de la colocation.

La colocation, longtemps objet de définitions jurisprudentielles, est mieux définie depuis une dizaine d’années puisque les législateurs ont intégré cette notion à la loi du 6 juillet 1989. En effet, la loi ALUR de 2014 a créé l’article 8-1 dans la loi du 6 juillet 1989 définissant la colocation comme suit : « la location d’un même logement par plusieurs locataires, constituant leur résidence principale et formalisée par la conclusion d’un contrat unique ou de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur ».

La colocation implique la présence de plusieurs occupants établissant dans un logement vide ou meublé leur résidence principale. Le coliving peut donc tout à fait être assimilé, pour certains projets, à de la colocation, abstraction faite de la notion de services qui n’est pas ou très rarement une composante des colocations.

Il est précisé que les résidences services notamment à destination des personnes âgées sont également soumises au statut de la loi du 6 juillet 1989, la loi de 2015 imposant de distinguer les charges liées aux services communs obligatoires et celles relevant des options du locataire.

 

Le coliving et le droit commun

Lorsque le coliving s’adresse à des occupants ne souhaitant pas y établir une résidence pérenne, le contrat conclu entre le bailleur et les occupants relève du droit commun et plus particulièrement de l’article 1713 du code civil. Les dispositions relatives à la loi du 6 juillet 1989 ne sont donc pas applicables. Le bailleur peut proposer un bail saisonnier permettant la location du bien pour une durée inférieure à 90 jours ou 120 jours en fonction de la localisation du bien soumis à l’article 1713 du code civil sus évoqué.

Enfin, dans l’hypothèse d’une exploitation commerciale d’une chambre meublé qualifiée ou non de parahôtellerie, le droit commun des contrats trouvera à s’appliquer.

Une attention particulière doit être portée à la rédaction des contrats, aux annexes obligatoires ou non et à la règlementation des établissements recevant du public (ERP) dans certaines hypothèses.

Quoi qu’il en soit, un projet de coliving se réfléchit sur tous les aspects du droit, droit immobilier, droit de la copropriété le cas échéant, droit de l’urbanisme et droit fiscal.


Un accompagnement par des professionnels du droit intervenant régulièrement sur le sujet des locaux meublés et des nouvelles formes d’habitat apparaît essentiel pour la préservation de vos droits au regard de l’évolution rapide des sujets.

Vous pouvez me contacter pour toute problématique relevant du de droit immobilier et je vous recommande mes confrères, Me Melyssa CARRE, cabinet URBANISTA en droit de l’urbanisme et Me Paul DUVAUX en fiscalité.

 

CONTACTEZ-MOI

 

QUESTIONS CLÉS DE L’ARTICLE

  • Quelle est la définition juridique du coliving et comment cela se distingue-t-il d'autres formes de logement ?

    Le coliving est un concept en plein essor en France, qui se définit juridiquement comme une forme hybride entre la colocation et l’hôtellerie. Il diffère des logements sociaux et de la location traditionnelle par sa flexibilité et son offre de services dans les parties communes.

    Chaque coliver bénéficie d’un bail distinct pour son logement, souvent sous forme de bail mobilité, tout en partageant des espaces communs équipés, comme des salles de coworking, des cuisines collectives et des espaces de vie.

  • Comment les avocats en droit immobilier assistent-ils les porteurs de projets de coliving ?

    Les avocats possédant une expertise en droit immobilier et en baux commerciaux, fournissent une assistance sur-mesure aux porteurs de projets. Ils aident à comprendre la législation, en tenant compte de la nature juridique propre de chaque résidence de coliving, il peut s’agir de conseil sur la rédaction de contrats adaptés, et sur les questions de garanties et d’assurances.

    Ces professionnels sont essentiels pour assurer la conformité juridique et la réussite des projets.

  • Quels sont les enjeux d'urbanisme liés au développement du coliving ?

    Le coliving soulève des enjeux d’urbanisme spécifiques, notamment en ce qui concerne les règles de construction et d’aménagement. Les projets doivent respecter les règles d’urbanisme, comme le nombre de places de stationnement ou les normes de construction pour les maisons mitoyennes.

    Le droit de l’urbanisme impose également des critères sur les espaces communs des bâtiments, tels que la taille et l’équipement des pièces de vie partagées, et la présence d’installations sanitaires individuelles.

  • Comment l'actualité influence-t-elle le cadre juridique du coliving ?

    L’actualité juridique impacte considérablement le cadre du coliving. Avec l’évolution des besoins sociaux et des tendances du marché, le législateur et la jurisprudence s’adaptent pour répondre à ces demandes émergentes.

    Cela inclut la modification de la législation sur les baux mobilité, l’ajustement des normes sanitaires et de sécurité, et l’adaptation aux nouvelles pratiques numériques dans la gestion des résidences.

    Les décisions des tribunaux administratifs et les contentieux récents jouent un rôle clé dans l’interprétation et l’application des lois existantes.

  • Quelles sont les implications fiscales pour les investisseurs et les locataires dans le cadre du coliving ?

    Les implications fiscales dans le coliving sont multiples, touchant à la fois les investisseurs et les locataires. Pour les investisseurs, les questions fiscales portent sur l’acquisition de biens immobiliers destinés au coliving, incluant la TVA, les taxes foncières, et les implications d’un éventuel statut d’établissement hôtelier.

    Pour les locataires, cela peut inclure les avantages liés au bail mobilité, et les implications de la location de meublés, comme la taxe d’habitation et les frais liés aux services proposés dans les parties communes.

  • Comment la législation actuelle aborde-t-elle les contrats de bail dans le contexte du coliving ?

    Actuellement, la législation française traite des contrats de bail dans le coliving de manière distincte, notamment avec l’introduction du bail mobilité. Ce type de bail offre une flexibilité idéale pour les logements de coliving, permettant des durées de location courtes et sans dépôt de garantie.

    Il est important de noter que chaque locataire dans une résidence de coliving peut avoir un bail distinct, ce qui offre une totale autonomie et ne les rend pas dépendants des services proposés dans les parties communes.

    Cette spécificité nécessite une attention particulière pour s’assurer que les contrats respectent les normes légales et fournissent les garanties nécessaires tant pour les locataires que pour les propriétaires.

Aurore TABORDET-MERIGOUX

Avocat en Droit Immobilier

Contactez-moi au 07.84.37.71.01 Consulter mon profil Avocat.fr